Source : Les Echos - Joséphine Boone
Une fois que l'entreprise a déterminé ses principaux cas d'usage de l'IA, encore faut-il que les collaborateurs adhèrent aux outils. La formation est centrale pour tirer le meilleur profit de ces investissements.
Les entreprises sont-elles passées à une nouvelle phase dans leur intégration de l'IA ? C'est ce que montre le livre blanc « l'IA générative en entreprise à l'épreuve du réel », réalisé par le cabinet Emerton Data, en partenariat avec le Hub Institute, et consulté en exclusivité par « Les Echos ». Les experts y ont interrogé des responsables IA de grandes entreprises françaises et le niveau d'intégration des outils au sein des équipes.
Avec l'arrivée de l'IA générative, le défi pour les entreprises est non seulement d'implanter les bons cas d'usage en interne, mais aussi de parvenir à en dégager un retour sur investissement suffisant, le fameux « ROI ». Et le tout passe inévitablement par la formation des collaborateurs, la priorité pour 80 % des responsables interrogés.
« On est clairement dans la phase post-expérimentale de l'IA, abonde Aimé Lachapelle, le fondateur d'Emerton Data, qui a mené les entretiens. Les projets sont en production, les besoins ont été identifiés, on n'est plus du tout en train de préparer les choses sur un coin de table comme il y a quelques mois », explique-t-il.
Large spectre
Et pour cause, certains géants français ont pris un virage à 360° pour implanter l'IA en interne, avec un spectre parfois très large. Chez TotalEnergies, quelque 30.000 personnes peuvent désormais utiliser Copilot, la solution d'IA clé en main de Microsoft, après une première phase de test par 300 salariés. Soit près d'un tiers de l'effectif total. Le tout avec « des résultat très positifs », juge Renata Alves-Santos, chief data officer adjointe au sein du géant du pétrole. « Nous avons compris l'importance de l'accompagnement, si nous voulions que chaque collaborateur puisse vraiment tirer profit de l'outil », décrit-elle.
Le défi majeur ? L'acculturation des collaborateurs à ces nouveaux usages, qui évoluent à vitesse grand V. « L'équipe de formation a une composition très transverse : digital, data, IT, cyber, RH, pour pouvoir répondre à toutes les questions remontant lors des formations », ajoute Renata Alves-Santos.
Du côté du spécialiste des repas Sodexo, qui déploie lui aussi Copilot en interne, « un plan d'acculturation global » a été mis en place car, à moyen terme, « certaines fonctions vont devoir complètement se transformer pour bénéficier au maximum de la valeur de l'IA générative », raconte Maxime Marembaud. Il faut en tout cas « bien communiquer auprès des collaborateurs. »
Double enjeu
Que ce soit pour la relation clients, les commerciaux ou le marketing, la formation des salariés répond désormais, pour la plupart des entreprises interrogées, à une double mécanique. « Nous organisons un développement des compétences à deux échelles : un premier volet de formation et d'acculturation de l'ensemble des collaborateurs, un second volet du développement de notre expertise interne sur ces sujets », décrit Ahmed Besbes, chief data officer chez Direct Assurance. Souvent avec la création d'une équipe dédiée, une « task force » IA.
Chez le spécialiste de la défense Safran, cette dualité est aussi le maître-mot, avec d'un côté l'usage de solutions clé en main, type Copilot ou un chatbot sécurisé, et le développement de cas d'usage interne par une équipe dédiée, explique Catherine Duveau, responsable du département Data science et gouvernance. Avec un enjeu souverain qui complique la tâche. « Il est vrai que, ne pouvant pas utiliser les solutions cloud, nous sommes dans une certaine mesure ralentis dans nos déploiements. Mais cela est également l'occasion de se poser quelques bonnes questions : Comment ces modèles sont structurés ? Quelles sont nos priorités ? Comment les utiliser de façon plus parcimonieuse ? Cela nous force à monter nos équipes techniques en compétence, et à développer une vraie stratégie sur ces sujets », soutient-elle.
Une stratégie largement adoptée, confirme Emerton Data, qui accompagne les entreprises dans leur transformation sur l'IA. « Il y a d'un côté l'IA générative « for all », qui s'applique au maximum de salariés et qui consiste à apprendre à s'approprier l'objet et à prompter. De l'autre, il y a l'enjeu de la formation d'une équipe experte en interne capable de développer les solutions ou choisir les bons produits selon les besoins, observe Aimé Lachapelle. Cela implique une conduite du changement plus large. »
Talents et formation continue
Parmi les usages les plus répandus chez les collaborateurs à grande échelle, la traduction , le résumé de réunions et la synthèse de document, note l'expert. Même s'il faut reconnaître que certaines entreprises ont vu parfois trop large dans l'implantation des licences d'IA clé en main parmi les collaborateurs, dont certains sont récalcitrants.
Quoi qu'il en soit, il faut veiller à assurer la formation continue, car la technologie évolue sans cesse et les usages se précisent. « Il faut transmettre le message que l'IA, ce n'est pas forcément tout, tout de suite. Il faut savoir être patient », affirme-t-il.
Pour former à la fois la plus large part des collaborateurs et les spécialistes du sujet, la volonté doit surtout venir d'en-haut . « Certaines entreprises ont une très bonne vision des choses et une forte stratégie autour des compétences, alors que d'autres […] souffrent d'un manque d'expertise d'ingénierie en IA », note Claire Lebarz, Chief Data & AI officer au sein de la plateforme de consultants en free-lance Malt. L'enjeu devient alors celui de recruter les talents et de les conserver pour donner la bonne impulsion.
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